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15 nov. 2014

Comment j’ai bâti mon premier projet transmedia ?

Transmédia ? De quoi parle-t-on d’abord ?

Wikipédia (seule encyclopédie proposant me semble-t-il à ce jour une définition) définit la narration transmédia comme « une méthode de développement d'œuvres de fiction ou documentaires et de produits de divertissement nouvelle qui se caractérise par l'utilisation combinée de plusieurs médias pour développer des univers narratifs, des franchises, chaque média employé développant un contenu différent. De plus chaque contenu peut être appréhendé de manière indépendante, en général, et sont tous des points d'entrée dans l'univers transmédiatique de l’œuvre. De par la diversité des contenus et la profondeur narrative de l’univers que cela engendre, la narration transmédia est singulière par rapport aux modes de narration classique.

Pour Eric Viennot, Game designer et expert du concept de Transmédia, il s’agit ici d’un nouveau moyen de communication réunissant texte, image, vidéo, design, cinéma, urbanisme,… et interactions. Dans un projet transmédia, le lecteur (nous l’appellerons comme cela par commodités, mais il est aussi acteur, chercheur, créateur,…) entre dans un scénario pour y vivre une expérience. Au-delà du récit, il se souviendra de ce qu’il aura vécu seul et/ou avec ses partenaires.



Découvrez le second trailer d'ALT-MINDS, qui est sorti le 12 novembre 2012.


Ce projet s’appuie sur les idées d’Eric Viennot



Ma vidéo de lancement réalisée avec un appareil photo (d’où la qualité sonore médiocre : Rien à voir avec Alt-Minds. En même je ne cherche pas à atteindre ce niveau. Tu peux dormir tranquille Eric ;-))

En quoi cela peut être intéressant de s’attarder sur ce nouveau média ?

C’est vrai, cela ? Pourquoi ne pas lire les pages de son manuel préféré ?


Pour informations, une majorité (99%) de jeunes utilise les jeux vidéo en famille ou secrètement chez leurs amis. N’est-il pas intéressant d’utiliser ce moyen de communication pour susciter intérêt et motivation ? N’est-il pas important d’éduquer les usages de ce média par une approche constructive ? Ne peut-on pas acquérir des compétences et des connaissances par ce moyen ? Je vous pose la question et vous laisse la liberté d’y répondre par vos riches commentaires.

Bon maintenant comment s’y prendre ?


Pour Eric Viennot, six points sont à travailler. Le mieux est de partir de faits divers, de faits d’actualités, de personnages mystérieux peu connus autour desquels il sera facile de faire du lien avec "Le Programme". Le personnage choisi doit susciter de l’empathie (ai-je suscité de l’empathie ? Demandez à mes élèves !) On doit avoir envie de le suivre tout de suite… Tiens, tiens… N’est-ce pas un sujet d’éducation cela ?

Bon et les six points ? Les voici :

  1. Bien se documenter : Il faut collecter un maximum d’informations, les trier (images, vidéo,…), les ordonner. Quel travail sérieux, n’est-il pas ?
  2. Écriture d’un synopsis simple (début, milieu, fin)… On appelle cela de la rédaction ! « Sortez une feuille ; faites des phrases concises contenant un sujet, un verbe un complément… » Vous voilà rassurés sur le sérieux de la chose, non ?
  3. Conception des énigmes… Encore de la rédaction ! Mais il est facile aussi de faire de la résolution de problèmes !
  4. Création des documents : en arts visuels, en musique, en français,… je crois que cela est au programme… à vérifier ici !
  5. Écriture des messages en donnant un style à chaque personnage. Décrire un personnage, lui donner vie, le faire parler, créer des faux comptes… Comment ! Créer des faux ! Ce n’est pas très éducatif, tout cela ! Ah bon ? Non laissons croire à nos élèves que cela n’existe pas et que derrière le pseudo Starlett il s’agit bien de …

  1. Dispositif pédagogique : Quel est votre objectif ? Le travail en groupe peut permettre de créer une émulation, de la collaboration… Comment allez-vous évaluer ce travail ? (oui c’est un travail !) Donnerez-vous des points à chaque mission remplie ? Noterez-vous les textes réalisés ? Partagez vos expériences ! Il doit permettre à chacun (élèves comme enseignant) d’être en sécurité. Le mieux pour l’enseignant est de travailler avec un autre enseignant. Et pourquoi ne pas faire appel à d’anciens élèves ou à des parents (qui savent garder un secret)…

Ne reste plus qu’à approfondir le scenario, la timeline, les ressorts, … Tout en se laissant un peu de souplesse et de liberté pour accompagner les élèves vers des sentiers détournés.

Avec quels outils ?

Et si on commençait de façon innovante avec… une feuille et un crayon ? Une affiche pour élaborer le synopsis et la « timeline » de départ.
Après, je vous l’accorde, un ordinateur ou une tablette peuvent faciliter les recherches. Pour faciliter la collaboration, on peut utiliser un Padlet, un Google Doc, … Et pourquoi pas un Pearltrees,…   pour organiser les sites web utiles au projet.

Le dispositif transmédia
Il peut contenir des images retouchées ou pas, des vidéos tirées du net ou réalisées par vos soins ou par les élèves, des documents écrits, des blogs… En fonction de l’âge des élèves, de vos propres compétences, vous pouvez utiliser des courriels, Twitter, Facebook, un blog, un site,… pour correspondre avec les joueurs ! Récapitulons : quelques photos, vidéos, du papier, des crayons, des ressources web,… Budget = 0 €. Voilà qui devrait réjouir les chefs d’établissement !

Oui et toi ? Raconte ! (Patiente, Anne, oui, oui ça vient)
Suite à une absence pour une formation, je suis revenu en classe avec un scénario très simple me mettant en scène. L’objectif était de présenter le projet transmedia. Les élèves réaliseront un projet durant la période.

Voici le synopsis :

Je suis à Paris à un séminaire sur le numérique depuis hier. En arrivant à la gare, un inconnu me confie des feuilles et une clé USB : deux plans de Paris, un ticket de connexion à internet- une clé USB cryptée... Il avait l’air très angoissé et très pressé. (Suspense) Il m’a juste dit de garder ses feuilles jusqu’à aujourd’hui 10h20 et de les lui rapporter. Les indications pour trouver l’adresse sont sur ces feuilles...  Je n’ai d’abord rien compris… Voyez un peu (photo) puis j’ai pensé à vous ! Aidez-moi car le temps presse. Je ne veux pas vous inquiéter non plus mais je me sens moi-même suivi…

Etape 1 :
Envoi de l’énoncé du problème par twitter : photo du bureau avec tous les indices + photo clé usb + vidéo
Interruption du jeu : « Que devez-vous faire ? Quelle est la mission ? »
Intervention d’une tierce personne cherchant à récupérer les documents (il ne s’agit de créer une certaine tension à doser en fonction de la classe.)

Etape 2 :
Envoi des indices : photos de la clé usb, des 2 plans, du ticket Internet
Orienter sur : trouver le nom de la rue
Aide possible :
-         S’intéresser au trait de stylo
-         Puzzle ?
Intervention d’une tierce personne cherchant à récupérer les documents contre de l’argent (seront-ils vénales ?)
Inciter les élèves à poser des questions : Est-ce que vous pouvez faire ça ou ça ?

Etape 3 :
Puzzle : montrer la photo du puzzle
La rue est trouvée : rue Saint Jacques… reste le numéro ?
Orienter sur la recherche d’un numéro

Etape 4 :
Envoi photo du ticket de métro
Intervention d’une tierce personne : « demander à votre maître de déposer les papiers dans une consigne à la gare. Sinon…»

Etape 5 :
Le numéro est trouvé. Je me rends à l’adresse. Là je m’aperçois que c’est le lieu de mon séminaire ! Incroyable, non ?
Remercier les élèves et leur rappeler qu’il s’agissait d’un jeu ! Et qu’ils auront à retravailler (oui encore travailler) tout cela pour créer leur propre jeu.

Après on fait une pause réflexive sur l’activité :
-         Comment ont-ils vécu cette expérience ?
-         Qu’ont-ils appris ?
-         Peut-on faire confiance à n’importe qui ?
Et on reprend les tweets pour les corriger ! Dans ce tweet, il ne faut pas lire « erreur » mais « cacographie »

Le dispositif transmédia
Compte twitter de la classe
Photos des différents objets
Vidéo énonçant le problème

Dispositif pédagogique
Les élèves travaillent en équipe. On peut remettre des points aux vainqueurs des deux missions.
Utilisation du VPI, de tablettes, pc portables

Concrètement cela s’est passé à peu près comme cela :
- « Bonjour, chers élèves. Aujourd’hui, je vous propose un jeu. Vous allez travailler (oui c’est mon travers d’enseignant de tout ramener à un travail – j’assume) en équipe. Au cours de ce jeu, vous allez devoir relever des défis. Chaque équipe pourra gagner des points en fonction de la réponse, de la rapidité et de la qualité de la réponse. (Il faut être exigeant – c’est ainsi que j’obtiens de meilleurs résultats.)
- Etes-vous prêts ? (Posez cette question peut surprendre. On ne sait jamais. Il y a peut-être des réfractaires qui préfèrent des exercices de conjugaison… mais pas ce matin !)
On allume le VPI (vidéoprojecteur interactif), l’ordinateur. On distribue des tablettes et pc à chaque groupe. Et j’envoie le premier message !



Résultats

Cela s’est bien passé : Mes élèves m’ont sauvé !
Il y a eu de la collaboration, des échanges, d’âpres négociations linguistiques et techniques.
Le travail sur tablette est plus délicat qu’avec les portables.
L’utilisation de Tweetdeck (ou autre) est indispensable.
Le retour réflexif a été très intéressant. Je n’ai pas tout noté, mais voici quelques propos :
« Moi, j’ai eu peur pour vous. » Je rappelle que j’étais dans la classe, que je me déplaçais et j’ai interrompu plusieurs fois le jeu pour faire le point. J’ai expliqué les ressorts utilisés pour installer le suspense.
« Moi, j’aimerai bien aller à Paris. » (Pourquoi pas, mais ce n’est pas prévu dans le budget… )
« Mais qui écrivait les messages (intervenant extérieur) ? » J’explique que j’ai moi-même plusieurs comptes et que derrière un avatar/pseudo se cache n’importe qui (Je ne parle pas de moi !).
« Moi, quand je joue, je suis complètement dans le jeu comme là (toi tu vas avoir une bonne note !). » D’où l’importance de prendre du recul quand on joue – d’être là présent sur Terre, dans sa maison devant son écran.

Et après !

La prochaine étape : Les élèves vont créer leur projet transmedia ! Cela tombe bien. Au programme : rédiger un roman policier ! Ouf ! Je finirai mon programme cette année.
Le lieu : un jardin public à proximité (en lien avec les sciences)
A suivre donc ici : http://cmunbleu.blogspot.fr/

Remerciements

Je remercie Eric Viennot (https://twitter.com/ericviennot) et Françoise Maine ainsi que tous les apprenants qui ont participé à la Masterclasse 2014 au Secrétariat Général de l’Enseignement Catholique pour ces deux jours très enrichissants.

Bon il est tard. Si vous trouvez des cacographies, n’hésitez pas à me les signaler !

Crédits photo



2 commentaires:

  1. Quelle distinction faites-vous entre ludification (gamification) et transmédia? Une récente conférence d'Olivier Alfieri m'a porté à réfléchir sur le sujet. Pour moi, quand l'enseignant crée le scénario, il s'agit de ludification. Le transmédia que j'envisage est plus proche de la définition de Wikipédia. http://sainte-anne-technopedagogique.weebly.com/ludification-et-jeux-seacuterieux/le-transmedia-en-education

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  2. Votre définition est juste.
    Effectivement cette activité était prévue pour lancer un projet transmédia.
    Dans un premier temps, les élèves devaient vivre une expérience transmédia (ludification). Ainsi je les ai amenés à prendre conscience de leur attitude face à un jeu (émotion, motivation face à la difficulté,…) et à comprendre comment une expérience transmédia fonctionnait.
    Dans un second temps, nous devions mettre en œuvre un projet transmédia. La rédaction du scénario s’est transformée en la rédaction d’un roman policier. J’ai préféré arrêter là pour ne pas « exploser la ligne du temps et les frontières du récit ». La gestion du temps est un facteur essentiel dans ce domaine.
    Merci pour cette précision.

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